L’Orient le Jour
Beyrouth - Liban
Mardi, 18 Mars 2008
Le rôle de la diaspora dans un nouveau Liban
Washington DC, Ireen Mousally
Le texte qui suit est l’œuvre d’un homme, Walid Maalouf, qui garde intacte sa foi en son pays d’origine. Son auteur a été le représentant US à l’Assemblée générale des Nations unies en 2003. Aujourd’hui, il est le directeur de la diplomatie publique à l’USAid.
La diaspora libanaise est potentiellement une force énorme dans la renaissance du Liban. Elle possède aujourd’hui deux ailes efficaces : la vieille immigration entre 1840 et 1950 et la nouvelle immigration qui débuta en 1974 et se poursuit de nos jours. La vieille immigration a donné plusieurs générations de Libanais qui sont de parfaits citoyens de leurs pays respectifs. Ils se sont détachés du Liban physiquement et financièrement, et n’ont plus avec lui de liens parentaux et familiaux. Mais ils gardent toujours des liens culturels et politiques forts avec le Liban. Ils connaissent parfaitement leur héritage et savent que leurs ancêtres ont quitté le Liban en raison de son instabilité politique, de la discrimination et du besoin économique, ils sont donc les parfaits avocats habilités pour défendre le Liban liberté, souveraineté et indépendance. Bon nombre d’entre eux sont disposés à aider de par leurs positions influentes dans leurs pays respectifs à rendre le Liban un pays stable et serein.
Les nouvelles vagues d’émigration commencées à la fin de 1974 sont composées de personnes instruites et financièrement bien établies. Trente ans après, ces émigrés restent profondément attachés physiquement au Liban où ils ont des intérêts financiers. Ils y ont encore de la famille et se mettent à y créer de nouveaux établissements , et donc de nouveaux emplois.
J’ai été moi-même témoin de ce potentiel. Et je suis sûr qu’au moins 800 000 Libanais répartis dans le monde retourneront dans leur pays d’origine aussitôt qu’un gouvernement stable s’y installera et que la sécurité y régnera. Ce nombre injectera plus de $50 milliards dans l’économie libanaise. Cela ne se fera pas immédiatement, mais il augmentera solidement au fur et à mesure que les gens commenceront à reprendre confiance.
Les citoyens du Liban ont un rôle crucial à jouer pour sortir leur patrie du cercle de la mort dans lequel il se trouve. Ils ne peuvent pas le faire seuls et ont pour cela de la diaspora. À vos côtés tout le long des années.
Le premier défi à cet égard réside dans les élections parlementaires prochaines. Les Libanais du pays doivent rejeter la mentalité de parrain qui prévaut dans la vie politique. Combien de leaders politiques parmi ceux qui ont été élus pendant les 30 dernières années ont-ils assuré des bourses d’études, des crédits pour ouvrir une clinique ou pour améliorer l’école publique, l’assistance médicale et l’assurance-maladie pour les personnes âgées?
Basé sur le Pacte national, le Liban a pratiqué la règle de majorité/minorité depuis 1943 jusqu’à 1992. Ce pacte devrait continuer à être respecté jusqu’à ce que soit établie la séparation entre la religion et l’État.
En premier lieu, les attributions des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire devraient être clairement définies par la Constitution. Ces pouvoirs devraient être complètement séparés l’un de l’autre.
Dans cette Constitution, la loi électorale devrait être basée sur le « cercle électoral individuel » (128 députés donc 128 cercles) respectant la répartition confessionnelle actuelle. Il importe aussi d’assurer aux émigrés ayant conservé leur nationalité la participation aux élections par le biais des ambassades libanaises à travers le monde. Quant à l’idée de créer un certain nombre de sièges représentatifs pour les émigrés, elle mène seulement à renforcer le pouvoir des parrains politiques.
Les anciennes attributions du président de la République devraient être rétablies si l’on veut se débarrasser de la « troïka » et de sa désunion. Les ministres devraient être des extraparlementaires, y compris le Premier ministre.
Il convient de prévoir dans la Constitution un Conseil supérieur judiciaire, élu périodiquement par les juges ainsi qu’une Cour suprême qui traitera de toutes les affaires, y compris les affaires politiques majeures, et les juges devraient être désignés à vie.
Les frontières entre le Liban et la Syrie et entre le Liban et Israël devraient être hermétiques pour empêcher tout trafic d’armes et toute contrebande.
Les autorités libanaises et palestiniennes ainsi que la communauté internationale doivent aborder aussi rapidement que possible la question des réfugiés palestiniens au Liban. La seule solution à ce problème vieux de soixante ans est une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies qui orienterait les Palestiniens vers des pays potentiellement réceptifs comme le Chili, l’Argentine, le Canada, l’Australie, le Paraguay, les États-Unis et le Venezuela.
Aujourd’hui l’État préside une « confédération » de communautés qui tendent traditionnellement à établir leurs propres alliances étrangères. Cela a été fatal pendant les 33 dernières années, attirant les interventions étrangères, en particulier de la Syrie, d’Israël et de l’Iran. Le Liban doit renoncer à ces alliances. Pour pouvoir créer une zone tampon de confiance, délimitant les 33 dernières années d’instabilité avec un nouveau gouvernement où l’affiliation religieuse n’a plus cours et où les Libanais peuvent avoir un vrai dialogue au sujet de leur avenir sans aucune interférence régionale, il importe d’avoir pour le Liban un statut de neutralité reconnu par le Conseil de sécurité. Seules les autorités légales libanaises pourront soutenir les armes.
Afin de réduire au minimum la dette nationale, et remettre l’économie sur la bonne voie, le gouvernement doit immédiatement se serrer la ceinture en adoptant une série de restrictions : renoncer au favoritisme, limiter le nombre de ministres, arrêter les salaires à vie des députés élus plus d’une fois, améliorer le rendement dans les administrations officielles, etc.
En outre, un pont aérien à moindres frais devrait être établi entre le Liban et l’Europe pour l’exportation de produits de qualité et il faudrait prévoir d’amener de nouveaux visiteurs étrangers au Liban chaque année, et établir des accords de libre-échange avec les pays européens, les États-Unis, le Canada et l’Australie. Avec les émigrés, un contact plus étroit et mieux organisé devrait être établi. Ainsi, il faudrait, par exemple, identifier tous les CEO et présidents des 500 plus grandes compagnies ou de mi-taille de descendance libanaise à travers le monde pour d’éventuels contacts.
Depuis la Phénicie jusqu’au Liban moderne en passant par le Mont-Liban des dynasties Fakhreddine et Chehab, il a toujours existé un rapport fascinant entre la diaspora et le Liban. À travers l’histoire, ceux qui ont quitté le Liban ne l’ont jamais abandonné et n’ont jamais permis à la communauté internationale de l’abandonner aux loups. Avec l’aide des Libanais du Liban et des Libanais de l’étranger, le Liban restera à jamais libanais.
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